mardi, septembre 27, 2005

Canard à vapeur 03-04 (19 juil 04)

Nouvelles du 19 juillet 2004

Météo : Il plute une petite pluine brumâtre, mais il fait quand même 20ºC. Petit vent de 6 nœuds.

Destination : Nous quittons Boston ce matin pour Hantsport.

Nouvelles locales : Le 21 ce sera l’anniversaire de Daniel, mon huileur-à-la-voix-d’or (pour ceux qui ne le connaissent pas, rappelons qu’on lui avait attribué le prix du chanteur « le plus enthousiaste » (prix créé spécialement pour lui) lors d’un concours de karaoké de Noël). On peut donc s’attendre à un party enlevant après Hantsport!

Activités : Il y a de l’eau douce qui stagne dans le compartiment de l’appareil à gouverner. Une investigation s’impose.

Nouvelles internationales :

Bagdad : Un 7e attentat suicide à la voiture à la bombe en 7 jours, tuant 9 personnes. Ce dernier survient le lendemain du jour où un avion US a foncé dans un repaire de personnes suspectées d’avoir un lien avec les extrémistes, tuant 14 personnes. C’est14 à 9 pour les Américains.

Manilla : Le Commandant des forces philippines est rentré à la maison hier avec le reste de son contingent, dans l’espoir de sauver l’otage philippin.

Paris : La France dénonce l’appel de Ariel Sharon pour rapatrier les Juifs Français en Israël sous le prétexte du haut niveau d’antisémitisme en France. À mon avis, les Français sont plus racistes envers les Arabes qu'envers les Juifs. Et Ariel n’a donc pas entendu aux nouvelles que la soi-disant attaque d’une femme juive et son bébé par 6 hommes armés de couteaux dans le métro n’était finalement que de la fabulation???

Montréal : Le Canada va retirer son ambassadeur de l’Iran, à la suite de l’arrêt du procès pour le meurtre de la photographe irano-canadienne.

Londres : La Grande-Bretagne a exécuté un grand exercice d’alerte à la terreur (ici, sur le bateau, nous sommes constamment soumis à cet exercice d’alerte à la terreur, niveau sécurité 1) et les autorités ont été consternées par la réaction très lente de la police et des équipes de sauvetage.

Tokyo : Un Américain faisant face à des poursuites pour avoir déserté pendant la guerre de Corée du Nord il y a 40 ans est arrivé hier au Japon, patrie de son épouse kidnappée par l’État stalinien, dans l’espoir de s’y installer.

Nouvelle triviale : Le film Fahrenheit 9-11, documentaire sur le président Georges Bush, a brisé tous les records au box office en Australie pendant la fin de semaine, avant même sa sortie officielle!

lundi, septembre 26, 2005

Canard à vapeur 03-03 (18 juil. 04)

Nouvelles du 18 juillet 2004

Météo : Il fait 20ºC à 05h ce matin, vent très léger, mer calme.

Destination : De Stony Point à Boston pour terminer le déchargement. Nous filons à un petit 8 nœuds vers Boston, et nous sommes passés du côté nord du cap Cod.

Nouvelles locales : Les portes sont de nouveau barrées pour le « security level 1 ». Dommage, j’aurais bien aimé aller un peu sur le pont prendre l’air.

Nous n’avons qu’un petit 5000 tonnes à décharger mais nous restons ici (à Boston) 24 heures, pour le fun, je crois.

Activités : Nous sommes dimanche, journée internationale du pognage de cul. Mais comme l’électricien est parti, je dois vérifier le niveau des batteries d’urgence. Et comme le chef a fait la manœuvre hier pour le cap Cod, de 10h à 02h, je vais faire celle pour rentrer à Boston, tout à l'heure, de 07h à 09h.

Nouvelles internationales :

Bagdad : presque tous les otages sont libérés sauf l’Égyptien qui devrait l’être bientôt, et le Philippin et le Bulgare. Vu que les Philippins se retirent, il devrait y avoir de l’espoir pour le Philippin, mais je suis inquiète pour le Bulgare.

Washington : l’Iran aurait sa part de responsabilité dans les attentats du 11/09 en permettant à 8 ou 10 apprentis-pirates le passage aller-retour à leur camp d’entraînement en Afghanistan, disent les rapports. Ah! Ils ont enfin trouvé un prétexte pour déclarer la guerre à l’Iran! Allez, c’est reparti!!!

Rafmallah : Arafat et son premier ministre se rencontrent pour tenter de se réconcilier. Bravo! Prochaine étape : se réconcilier avec Israël!

Washington : Un laboratoire d’armes nucléaire américain a dû arrêter ses opérations suite à des brèches majeures dans la sécurité. Le reste de monde ne s’inquiète pas que les US font tout pour interdire les armes nucléaires ailleurs et qu’ils soient seuls à continuer allègrement d’en produire??? Je sais bien qu’on dit « Si vis pacem, para bellum » mais je ne suis pas sûre que c’est vraiment la paix qu’ils recherchent!

Ulan Bator : L’ancien cosmonaute mongol (dans le sens de venir de Mongolie, je crois) Gurragchaa Judgerdemidiin (dans le sens de c’est son nom, j’imagine) est en tête de la ré-élection controversée en Mongolie, et la menace d’une impasse parlementaire reste. (Un reportage de Aaeoijfdskfcmkdjcn Daoifjeomnswiejn)

Nouvelles interplanétaires et sidérales

Paris : Une fusée Arianne-5 a placé en orbite le satellite de communication le plus grand au monde. Orange va peut-être réduire ses tarifs???

Nouvelle triviale : Londres : Un groupe de plongeurs célèbrent leur trouvaille en ouvrant une bouteille de champagne qu’ils ont trouvée, gisant au fond de l’eau depuis un demi-siècle.

dimanche, septembre 25, 2005

Canard à vapeur 03-02 (17 juil 04)

Je rappelle à tous que la rubrique « courriel du lecteur » reste ouverte, n’hésitez pas à nous envoyer (je me nounoie, en fait je suis seule) vos (brefs) commentaires!!! (on ne va pas y passer la nuit non plus!)

Nouvelles du 17 juillet 04

Météo
: Beau, pas de nuages, chaud, peu de vent.

Destination : Nous sommes partis ce matin pour Boston, avec une halte à l’ancre à Stapleton (au pied de la statue ou presque) pour prendre du fuel. Ici nous voyons NY by night, au passage...


Nouvelles locales : Kaz (l’électricien polonais) est débarqué hier, il prend 5 semaines de vacances. Contrairement à ce que je croyais, Burak ne débarquera pas avant 5 semaines! C’est le capitaine bonbon qui part pour quelques semaines de vacances quand Arek le premier maître polonais va arriver, au prochain Stony Point.

Puisque nous sommes en mer, nous ne sommes plus soumis au « security level 1 » et nous pouvons désormais retirer le cadenas de toutes nos portes qui mènent à l’extérieur, de même que celles de la salle des ventilateurs, des compresseurs de frigidaires, de la génératrice d’urgence etc… toutes barrées au cas où un terroriste viendrait à s’introduire dans notre navire. Ce niveau de sécurité est le plus relâché (normal operation), il existe aussi « security level 2 » (heightened awareness) et « security level 3 » (completely paranoïd panicking). Ces niveaux entrent en vigueur dès réception du pilote (fin de passage en mer) et se terminent quand nous retournons en pleine mer. C’est Washington qui décide du niveau requis.

Activités : La barge de fuel arrive théoriquement à 05h30... Plus tard : La barge est arrivée à 06h30. Burak s’énervait parce que ça prenait du temps à pomper, comme si je pouvais aller plus vite que le tuyau! Après notre départ, on a eu la paix, il est allé se coucher. Nous prendrons le canal du cap Cod cette nuit.

Ici, magnifique lever de soleil alors que nous sommes ancrés en train de prendre du fuel et que le capitaine s'énerve. Mais on s'en fout (que le capitaine s'énerve)...

Nouvelles internationales :

Il semble que nous vivons en des temps troubles. Ou bien est-ce que je me tanne d’écrire toujours le même genre de nouvelles? Que retiendront nos livres d’histoire dans quelques siècles? Sur ces propos philosophiques, je vous fais grâce des bombes, des kidnappings, des attaques au premiers ministres et des Martha Steward en prison.

Nouvelle triviale : Je ne peux passer sous silence le fait que les États-Unis reconnaissent maintenant l’obésité comme une maladie et leur plan de santé paiera désormais certains frais de traitement.

samedi, septembre 24, 2005

Canard à vapeur 03-01 (16 juil 04)

Nous repartons aujourd'hui vers de nouvelles aventures, un autre contrat commenté de votre rédactrice en cheffe du canard à vapeur sur le SS Gypsum Baron!


Nouvelles du 16 juillet 2004

Météo : Nuageux.

Destination : Je suis à Stony Point, je suis arrivée hier soir à New-York, de Paris (en avion, pas en bateau). Nous quittons SP le 19 à 01h48. Ensuite nous allons à Hantsport, SP, Hantsport, Baltimore, Hantsport, Boston, Hantsport, Stony Point, Hantsport, Baltimore, ce qui nous mène au 15 août déjà. Ouais, bon, je viens d'embarquer...

Nouvelles locales : Hier soir, l’avion a atterri à 20h30, à l’heure. Mais les portes ne fonctionnant pas, nous avons dû changer de position (l'avion, pas les passagers, qui, eux, sont restés pognés à l'intérieur de l'avion) et nous sommes sortis vers 21h30. Personne pour m’attendre à l’aéroport. Heureusement, j’avais encore la carte de l’agent de New York, par un hasard extraordinaire. Il a fini par me trouver (le con!) et je suis arrivée à bon port à Stony Point vers 23h.

Mais je n'étais pas au bout de mes peines : c’était sans compter les nouvelles règles anti-terroristes!!! Il y avait une barrière fermée à l’entrée du quai de la Gypsum, ce qui est nouveau. L’agent a klaxonné, un homme en casque et en lampe de poche est venu voir, il a pris nos identités (au travers de la grille cadenassée), puis m’a fait ouvrir mes valises, puis il renvoie l’agent et son auto avant de me faire entrer. Je dois donc faire les 500 mètres qui me séparent du bateau à pied, une valise à chaque main. Dans le noir. Toute seule. Pffft. Une chance que je voyage léger!

Enfin on m’a vue, du bateau, un cadet est accouru pour me porter une valise, puis Daniel (on se souvient de Daniel, le chanteur de charme karaoké à la voix d’Assurancetourix) est sorti de la salle des machines pour me porter la seconde valise, puis, sur le pont, Padua, le matelot de garde, me demande de signer le registre des allées et venues (enfin, il ne m’a pas demandé ma pièce d’identité, je devrais peut-être le dénoncer aux autorités!!!). Finalement, je rencontre Kaz l'électricien polonais qui me baragouine les dernières nouvelles en polonais avec enthousiasme, et moi je ne pense qu’à aller rejoindre mon lit dans ma cabine. Il est plus de 06h du matin, heure de Paris!

J’ai tout de même appris que Burak est capitaine, que Benoit (le capitaine bonbon) est premier maître et sera repromu capitaine dans deux semaines, au débarquement de Burak. Arek (le premier maître rigolo et polonais) viendra le remplacer. Bonne équipe!

Le chantier aura lieu en janvier (mamma mia, je n’y couperai pas!!!) soit au Portugal, soit dans les Caraïbes, on ne sait pas encore.

Et Kaz part en vacances pour 4 semaines. Je vais encore être pognée pour faire les jobs de l’électricien en son absence!

Burak s’est levé de bonne heure ce matin pour prendre ma photo dans le but d'en faire une carte d’identité anti-terroriste.

Activités: Je dois aller faire un tour de salle des machines avec l’autre second avant qu’il ne débarque. Le shut-down (qui consiste à arrêter le plan vapeur au complet dans le but de faire des réparations) a eu lieu à Boston au dernier voyage, je m’en tire donc. J’ai bien fait de ne pas embarquer la semaine dernière!!! On doit prendre du fuel en quittant NY.

Dernière minute : le déchargement est arrêté dû à un bris du côté de la terre. Nous partirons donc cette nuit comme prévu mais pour aller continuer le déchargement à Boston. Tout le monde se réjouit.

Nouvelles internationales et triviales du 15 :
Quelques brèves nouvelles datant d’hier : Les gays sont contents de la décision du Sénat de ne pas amender la constitution américaine pour restreindre la définition du mariage comme étant entre un homme et une femme. Violence en Irak. Grève générale au Pérou. La fille de Bush pose pour Vogue, pour aider son papa à gagner les élections. Slim-Fast retire sa pub avec Whoopi Goldberg parce que celle-ci a critiqué le Président à une levée de fonds la semaine dernière.

Nouvelles internationales et triviales du 16 :
Bah, rien d’interessant…

Soyons brève aujourd’hui, ce n’est que le numéro un, ne nous énervons pas.
Au revoir, de votre rédactrice en cheffe!

vendredi, septembre 23, 2005

Canard à voile : épilogue

Épilogue

Nous avons su un peu plus tard que le proprio, n’ayant eu aucune nouvelle de notre part et se doutant que c’était la faute du téléphone satellite qui ne fonctionnait pas, a décidé de se rendre à St-Martin à tout hasard, justement le 24 mai, jour de notre arrivée. Son avion a atterri à 10h, soit une heure après que nous ayons jeté l'ancre.


Nous avons quand même réussi à le battre de vitesse d’une heure!

Nous nous sommes rendus à terre, chercher quelques provisions fraîches (nous avons sauté sur les fruits et légumes!!!) pour contrer notre scorbut galopant... Nous avons ensuite rencontré notre proprio (de voilier, pas d'appart) à notre point de rendez-vous désigné, une jolie villa toute fleurie.


Notre mission était accomplie. Pleine de dangers, d'aventures et de scorbut. Je pouvais rentrer. Je n'ai effectivement pas tardé, j'avais hâte de retrouver mon petit chez moi, en profiter un peu avant mon prochain contrat, sur un navire marchand cette-fois.

Le lendemain, je prenais l'avion pour Montréal, via NY. On voit ici la baie de Marigot où nous étions ancrés...


Puis New-York pour une brève escale...


Et enfin Montréal (by night)...


Oui, je sais, c'est noir. On reconnaît tout de même le village olympique, ces espèces d'appartements en triangles tout éclairés.

Et enfin, munie des mes notes manuscrites et de mon ordinateur portable, je pris l'autobus pour Rimouski...
Fini de transcrire dans l’autobus Orléans Express, entre Montéal et Rimouski, le 27 mai…
Ne manquez pas les aventures suivantes de mon prochain contrat sur le Gypsum Baron «The return of the Creepy Second Engineer!!!»

jeudi, septembre 22, 2005

Canard à voile : jour 12

Jour 12 (24 mai)

05h : TERRE EN VUE!!!


Hier soir, le mauvais temps de la journée a laissé la place à un calme plat : nous avons dû, encore une fois en pleine nuit, rentrer le peu de voile que nous avions encore et augmenter le régime du moteur, nous n’avancions plus et le courant nous déportait à l’ouest d’Anguilla, que nous préférions contourner par l’est.

Les feux de position improvisés ont tenu le coup, les piles fonctionnaient encore ce matin.

Nos périodes de dodo étant constamment interrompues, nous devions lutter contre le sommeil pendant nos périodes de quart. Inutile de dire qu’à 03h, je ne me suis pas attardée, même pour attendre de voir les premières lueurs de la civilisation.

Je me suis tout de même relevée à 05h, avec le soleil, et j’ai pu voir au loin une bande de terre!

Nous avions assez d’énergie (l'énergie des batteries, pas la nôtre!!!) pour alimenter le poêle à gaz, j’ai fait du café. En sortant du cockpit, je fais «AAAAAAH!». Nous n’étions qu’à une centaine de mètres d’une falaise! La terre, qui me semblait un concept tout théorique, même quand je la voyais de loin, s’était rapidement rapprochée! Nous y étions pour de vrai!!!

Nous avions rattrapé notre dérive en ouest, ce qui nous permettait de passer comme prévu à l’est d’Anguilla. Paul, qui connaît bien le coin, décide de prendre un raccourci : entre Anguilla et l’île Scrub, il y a un petit passage d’une centaine de mètres de large, qui nous évite un détour de plus d’une heure.


Le passage me semble bien étroit, moi qui suis habituée de barrer en pouvant jouer des coudes avec un jeu de 500 milles marins de chaque côté. Tant pis, on passe!


Puis les nuages se sont tassés, comme par magie...




Hier soir, sous la pluie et le vent, nous faisions des projets pour le lendemain : Douche? Resto? Avion? Téléphone? Mais tout ça avait la saveur d’un rêve, nous n’y croyions pas trop. Ce matin, par contre, c’est du concret!

Aussitôt après notre périlleux passage du petit chenal, un gros arc-en-ciel nous a accueillis!



07h50 : Nous sommes entre les îles de St-Martin et Anguilla. On commence à voir St-Martin au travers de la brume... Nous hissons le drapeau français...










09h : Nous sommes dans la baie de Marigot, notre point d’ancrage! 09h pile, nous avons la main sur la clé du moteur pour enfin pouvoir l’arrêter! Nous n’en aurons plus besoin. Le moment est sacré, nous retenons notre souffle…


...et le moteur ne s’arrête pas! Dernier pied-de-nez, lui qui nous a causé tant d’inquiétudes de peur de le voir s’arrêter, il refuse maintenant de se taire!

Allez zou! La manette des gaz à zéro et peuf peuf, il s’éteint enfin.


Le calme.


La quiétude.



Nous n’en revenons pas. Le silence nous fait mal aux oreilles. Nous parlons en chuchotant pendant quelques minutes…


Nous procédons ensuite aux tâches d’arrivée. Il faut ranger un peu le bateau, préparer le dingy, vérifier si le moteur hors-bord fonctionne toujours, en trouver le réservoir d’essence, trouver les rames, au cas. Préparer aussi les poubelles, qui ont été entreposées dans le dingy durant le voyage. Mais la gestion en a été si bien faite que nous n’avons produit que des poubelles qui sentent bon. Il faut aussi pomper les cales (nous avions bien essayé plus tôt en mer mais le roulis nous empêchait d’y arriver efficacement). Et… sauter à l’eau!

mercredi, septembre 21, 2005

Canard à voile : jour 11

Jour 11 (23 mai)

09h30
. J’étais de quart cette nuit de 21h à minuit, puis de 06 à 09. Nous arrivons demain matin! Nous devons même ralentir pour arriver après la nuit! Hier après-midi le vent a forci, nous étions tout fiers de faire des pointes de 10 ou 11 nœuds!!! Jusqu’à ce qu’on réalise qu’à ce train d’enfer, nous arriverions en pleine nuit. Le vent devenait de plus en plus fort, et la nuit a été mouvementée dans tous les sens du terme. Nous avions une grosse houle de côté, et par deux fois (à 02h et à 04h), nous avons dû câller le branle-bas de combat pour prendre des ris dans les voiles d’abord, puis finalement pour les rentrer. Nous étions en pleine tempête tropicale.

Remarquez comme rien ne traîne sur le «dash», contrairement à nos habitudes... Tout est rassemblé dans deux petits bacs de plastique et encore, ça trouve moyen de se promener à droite et à gauche...

Il y a eu quelques bateaux à éviter au travers de ça, pas de VHF, pas de feux de position, juste une lampe de poche attachée à la proue. La barre était très dure à manœuvrer, le cap difficile à tenir, pas moyen de lâcher la roue, ni relâcher son attention.

Nous devons surveiller la météo, avec les dernière gouttes de jus qu'il nous reste dans les batteries... (Oups, quelqu'un a laissé le radar sur «stand by»!!!)


Je crois que je vais me coucher et essayer de dormir.

14h. 104 milles de notre destination. On va bientôt changer de carte marine. À date, nous étions sur celle de l’échelle 1/10 000 000e (qui part du Groenland et va jusqu’au Brésil), nous allons passer à celle de 1/100 000e (d’Anguilla à St-Barthélémy). Nous sommes toujours sous l’effet de la tempête tropicale, nous espérons que ça finira avant la nuit, notre dernière du voyage.

Nous avons une belle collection de paires de lunettes, à nous trois... (Ce n'est pas la photo du jour, mais j'ai décidé de la ploguer ici...)


Pour l’instant, ça cogne dur, ce midi, pas de repas comme tel, juste une barre tendre qui nous semble plutôt sucrée… Hier soir nous avons encore fait du couscous en sachet (style : ajoutez de l’eau bouillante dans le sachet et attendez 20 minutes). Il n’était absolument pas mangeable, mais les gars ont eu l’air de l’aimer. C’était horriblement salé et j’y ai à peine touché. Pour ce soir, nous avons trouvé un sifflard dans une armoire. Pas un siffleux (ou une marmotte), mais un saucisson sec. On se contentera de ça, on ne peut même pas faire bouillir de l’eau!

Je rentre en quart de 15h à 18h, puis de minuit à 03h. Nous faisons des paris sur qui apercevra les lumières de la terre en premier. Notre première terre en 12 jours! Anguilla devrait être en vue entre 03 et 05h. Le soleil se lève vers 05h ces temps-ci. La lune apparaît brièvement le soir, mais elle se couche très tôt. De toute façon, avec les nuages, on ne la voit plus du tout. La tendance du soleil à se coucher plus tard à mesure qu’on descend vers le sud semble s’être inversée depuis quelques jours. Je ne sais pas trop à quel phénomène astronautique c’est dû. Peut-être au fait que nous avons passé la latitude à laquelle le soleil passe au zénith. Le tropique du cancer est à 23°27’, nous sommes à mi-chemin entre l’équinoxe du printemps et le solstice d’été, et nous continuons toujours vers le sud.

18h15 : Un grain n’attend pas l’autre. (Un grain, c’est un coup de vent). Nous recevons le silo au complet, comme dit JM, toujours boute-en-train. Les vents sont forts, il pleut, ça tangue, ça roule, nous n’avons plus une goutte de voltage, le soleil ayant boudé notre panneau solaire toute la journée. Le sifflard du souper était lui aussi trop salé. Les biscuits Breton à saveur de basilic sur lesquels nous l’avons mangé aussi d’ailleurs. Nous sommes tous à veille de mourir du scorbut. (Enfin, depuis le temps que j'en parle!!!)

Le seul bon moment de la journée fut quand nous avons découvert un sac de réglisse rouge au fond d’une armoire (sous le sifflard). Nous l’avons mangé en philosophant sur la Tabagie Gilles de notre enfance (nous sommes tous les trois originaires de Repentigny!) et de ses étalages de bonbons (boules noires à 3 pour une cenne, les Mojo, les gros Sweet Tart à gruger, la poudre sucrée dans une paille, les colliers de bonbon qui finissaient par goûter la sueur de cou, les popsicles trois couleurs…)

Nous avons préparé des feux de position de fortune à l’aide de lampes de poche, d’une bouteille de plastique entourée d’un sac transparent rouge, et d’une autre bouteille de plastique vert (l’eau minérale Montclair!).

Position de 18h : 19°16’N 62°37’O

dimanche, septembre 18, 2005

Canard à voile : jour 10

Jour 10 (22 mai)

06h50
: Mon quart s’est terminé à 06h, mais je n’ai eu le temps de rien faire, impossible de lâcher la barre deux secondes, même pour écrire.


Ensuite il y a eu les fonds de cale à pomper : 8 seaux d’eau à pomper à la main, et à vider dans le lavabo. Puis, les 400 coups de pompe à fuel (manuelle) pour transférer le combustible.

Hier dans la nuit, vers 22h, l’alarme du régulateur de gaz propane pour le poêle a sonné, pour indiquer que les batteries étaient à plat. Nous avons roulé toute la nuit sans feux de position. La seule consommation d’électricité était la petite lumière du compas magnétique. Et le «power steering» de la barre, suspecté-je, malgré les assurances de Paul.

Ce matin, je commençais à en avoir marre : on avait enlevé la veille les plastiques protecteurs autour du cockpit, pour bien «sentir» le vent. Sentir le vent mon cul, j’en avais les yeux qui piquaient, la joue gauche gelée, je me sentais harcelée par le vent. Si j’avais pu, j’aurais tout crissé là et je serais partie à la maison. Mais bon. On se calme le pompon, j’ai pris un grand respir (dans le vent) et j’ai continué.

Plus que 328 milles. Il est presque 08h, je vais me coucher un peu avant mon quart de midi à 15h. Surtout que j’ai promis de faire du spaghetti sauce tomate (en pot de verre) pour le dîner. Si le régulateur a assez d’énergie pour laisser passer le gaz vers le poêle!!!


Quand on y pense, tous nos appareils fonctionnent à merveille sauf un. C’est juste dommage que ce soit l’alternateur! (celui qui charge nos batteries, qui sont notre seule source d'électricité...) En plus, ce matin le temps est nuageux, les panneaux solaires ne sont pas très contents et ça ne charge pas vite!


12h : Plus que 294 milles! Je prends le quart tout de suite après le spaghetti, finalement préparé par JM, mon effort s’étant limité à ouvrir le pot de verre de la sauce. JM est une bonne pâte! OUAAAAA le jeu de mot!!! Je suis une boutade-en-train!

Position de 18h : 21°48’N 61°15’O

samedi, septembre 17, 2005

Canard à voile : jour 9

Jour 9 (21 mai)

00h20
: Plus que 515 milles à faire, nous sommes à la latitude 25°!

Les ti-gars ont décidé, tous seuls, dans leur grande mansuétude, de faire chacun une demi-heure de mon quart de nuit pour tenir la roue «parce que je rushe pour barrer de nuit» paraît-il. Tandis qu’eux, ils sont juste «écoeurés». Pourtant, si mes souvenirs sont bons, ce n’est pas moi qui «rushais» à la roue hier dans la nuit! Je trouve ça un peu insultant, et surtout inutile, mais j’ai envie d’accepter, juste pour les emmerder.

Mais finalement Paul, malgré ses bonnes intentions paternalistes de petit frère attentionné, s’endormait vers la fin de son quart et il est déjà au lit. Quant à JM, il n’a pas de montre et il se réveillera quand JE le déciderai. Et je ne vais certainement pas lui confier MA barre pour une demi-heure supplémentaire! GRRRR!

00h45 : Pour la première fois de ma vie, j’ai vu la Voie Lactée!!! Ça me réconcilie avec le reste de l’Univers, et je pardonne un peu (mais pas trop) aux gars leur condescendance.

Dû à une légère myopie et à la conviction profonde que la Voie Lactée est une légende urbaine (ou plutôt galactique), je n’ai jamais pu voir cette traînée dont tout le monde parle… Mais cette fois, ça y est!!!

On dirait que la vue de la Voie Lactée calme mes angoisses irrationnelles de nuit. Je l’ai vue, sans même la chercher! Je vérifiais s’il n’y avait pas un bateau qui croisait notre route par hasard, et j’ai vu ce faisceau dans le ciel. J’ai eu beau chercher un phare, ou bien le haut de l’Édifice Ville-Marie, ou encore la Tour Eiffel pour en trouver la source, j’ai dû constater l’origine Céleste de la Chose!

(Non je n'ai pas mis une photo de la Voie Lactée, mon flash n'était pas assez puissant!)

01h10 : Nous sommes tout à moteur, aucune voile. C’est très facile à barrer. Je ne peux pas dire que je «rushe» ni même que je sois «écoeurée». Il y a parfois un avion qui traverse le ciel. Je les regarde et me dis qu’ils ont bien de la chance d’aller aussi vite. Et en plus je suis certaine qu’ils se plaignent de la longueur du voyage. Je me promets qu’à ma prochaine traversée d’avion, je ne me plaindrai pas.

01h40 : JM vient d’émerger, probablement anxieux de savoir si je «rushe». Je le renvoie au lit, ce qu’il fait sans protester après que j’ai dû le rassurer sur ma capacité de barrer. Pffft. C’est ça, t’es gentil, mais barre-toi! Il a la mémoire courte!

03h15 : Toujours rien à l’horizon et ô miracle, pas d’angoisse nocturne. Je vais me préparer à envisager de penser à réveiller JM pour 03h45, puis au dodo. Mon prochain quart est de 09h à 12h.

09h30: Finalement, être de quart à la roue a du bon. Congé de corvée à moins que je n'insiste. Paul me demande si je préfère faire la vaisselle du déjeuner, au lieu de tenir la roue. Je décline l’offre sans remords. On est encore à moteur, le cap est stable, peu de vent, pas de voiles.


Je planifie soigneusement mon second lavage de cheveux du voyage : je mouillerai mes cheveux en récupérant l’eau douce dans un premier bac, puis je récupère cette eau pour rincer mes cheveux, en la récupérant dans un second bac. L’eau de rinçage servira ensuite à laver quelques bobettes sales. Puis on pourra la récupérer encore pour se brosser les dents. La classe.

10h10 : Latitude 25° 10’, nous avons parcouru 1174 milles depuis Canso, il ne reste que 456 milles avant St-Martin. Paul a calculé un ETA (estimated time of arrival) à St-Martin le 25 mai au petit jour. Nous essaierons d’arriver à la clarté, ce sera plus facile. Surtout si nos batteries sont à plat et que nous n’avons droit qu’à un seul essai avec le guindeau! Ça veut dire que dès qu’on aura lâché l’ancre, si on veut la remonter, ça devra se faire à bras…

Voici Paul, jouant à la figure de proue, les deux pieds sur notre ancre...

Nous ne pouvons pas communiquer avec le proprio avant notre arrivée. Nous avions prévu l'appeler avec le téléphone satellite (qui n'a jamais fonctionné) une journée à l'avance pour qu'il vienne prendre possession du voilier. Il faudra encore l’attendre à St-Martin avant de pouvoir rentrer au pays.

10h25 : Finalement j’aime bien être à la barre. Surtout quand j’entends des bruits de vaisselle en provenance du carré!

18h15 : De retour de quart jusqu’à 21h. 410 milles avant St-Martin. 24° 19’ de latitude. Nous sommes toujours à moteur mais le vent devrait forcir cette nuit, selon le fax météo de la Floride (nous sommes maintenant hors de portée d’Environnement Canada). Ce fax nous a coûté la peau des fesses à recevoir (en terme de voltage). Nous amorçons la nuit avec 11,7V aux batteries. Pourvu que les feux de position tiennent le coup!

Le vent s’est un peu levé, nous montons les voiles.

Paul a fait du déshydraté pour souper, du porc aigre-doux, mais il a un peu raté son coup et ça a plutôt la consistance de la soupe. C’est bon quand même. Mieux que le couscous déshydraté d’hier…

Position du 16h45 : 24°27’N 60°06’O

vendredi, septembre 16, 2005

Canard à voile : jour 8

Jour 8 (20 mai)

06h15. Je suis de nouveau de quart, de 06h à 09h. Dure première nuit à la roue. Trois heures collée à la barre, c’est moins relax qu’avec le pilote automatique, on n’a pas le temps de faire autre chose, ni le point, ni pomper les cales, ni même faire du café. À peine le temps d’angoisser dans le noir.

Nous éteignons les frigos, maintenant que le jambon est presque fini. (Enfin!) Il n’y a plus trop de choses périssables de toute façon. Heureusement que le GPS fonctionne à piles puisque nous n’avons même pas de sextant à bord! Et c’est pas avec le trafic qu’il y a sur notre route qu’on pourrait demander notre chemin! Surtout si le même le VHF n’a plus assez d’énergie pour fonctionner!!!

Les batteries se tiennent entre 11 et 12 volts, dans le rouge… Ou peut-être en deçà, l’échelle ne va pas plus loin.

Grain à l’est : le soleil se montre enfin au-dessus des nuages.

La nuit dernière, j’étais de quart de 21h à minuit. JM est apparu vers 22h45 (il n’a pas de montre). Puisque c’est notre première nuit de roue intensive, nous convenons que l’un est à la roue pendant que l’autre fera dodo en stand-by sur la banquette du cockpit. Je n’ai pas eu à le réveiller pour avoir de l'aide avant que ce ne soit l'heure de son quart, mais ça me sécurisait.

À minuit, je prends la banquette, il prend la roue. JM est bon en tout : il apprend vite, fait la bouffe, lave le pont, lève et descend les voiles etc, mais pour l’instant, la roue n’est pas son point fort. Je me réveille à quelques reprises avec le bruit des voiles qui flacottent parce qu'elles ne savent plus où aller. Je l'aide à reprendre le cap et me recouche.

À 02h, nous avons rentré la grand-voile, avec notre skipper qui jugeais que sa présence nuisait au génois. Pas la présence du skipper, mais celle de la grand-voile. (La grand-voile est celle qui est en arrière du mât avant, et le génois est à l'avant du mât avant.)

06h30 : Je crois qu’on va clairer le grain, il semble vouloir nous passer dans le dos. Tant mieux, on a besoin du soleil pour alimenter notre panneau solaire! J’écris tout en barrant, un peu difficile, mais le bateau est stable, il ne nécessite qu’une petite correction de temps à autre.

Je viens de manger la dernière pomme. La dernière orange a été engloutie hier. Je crois qu’il reste encore un pamplemousse quelque part avant que nous ne mourions tous du scorbut.

07h : J’ai fait la vaisselle (à l’eau de mer) pendant que Paul, réveillé, tenait la barre. Ça brise un peu la monotonie de varier les tâches. Nous avons aussi arrêté la pompe à eau douce (nous avons de l’eau potable en bidons en quantité industrielle), le lavabo n’est maintenant alimenté que par le petit robinet d’eau de mer qui fonctionne à pédale. Nous avons tout de même rempli quelques bidons vides avec l’eau douce du réservoir, dont nous n’avons même pas entamé le quart finalement. Dire que nous avions peur d’en manquer! Il faut dire que nous évitions de l’utiliser puisqu’elle puait et avait une couleur un peu douteuse.

07h30 : Je vais aller faire le transfert de combustible (à partir des réservoirs de fond, à la « day tank » ). Je vais pomper à la main, bien sûr, pour économiser les batteries. Environ 8 fois 60 coups de pompe, ce qui nous fait dire que nous allons faire les 400 coups, pour aller remplir ce réservoir. Nous sommes des boute-en-train.

(Pause dans le récit pour vous laisser le temps de rire de ma boutade).

À vitesse réduite, le plein doit être fait toutes les 18 heures. Paul, qui n'est pas encore couché car il est occupé à gérer les poubelles, prendra la barre pendant ce temps. Nos poubelles sont des poubelles bien tenues. Stockées à l'arrière, dans le Zodiac, aucune effluve nauséabonde de risque de nous atteindre, même par vent arrière, puisque tout est lavé, trié, classé.


Je dois me tartiner de crème solaire, le soleil commence déjà à chauffer!

08h : Nous sommes à la latitude 27° 23’. St-Martin est à la latitude 18°, soit environ 600 milles à faire encore. Dans 6 jours au gros max, nous y serons. Incroyable, on commence à en voir le bout.

08h20 : Je cogne des clous… Encore un effort, je termine mon quart à 09h. Je présente un spectacle déplorable: tartinée de crème solaire à FPS60, une serviette blanche qui me couvre la jambe gauche exposée au soleil, mon imper léger sur les épaules car je brûle déjà, le gros chapeau de paille et les lunettes soleil. Et mes inséparables chaussettes spiderman (à semelles antidérapantes) qui me servent de poches et dans lesquelles je glisse ma lampe de poche miniature pour la nuit et un kleenex pour morver. Faut pas avoir d’orgueil.


Mais je ne suis pas la seule à avoir l'air fou. Pendant que JM fait la sieste, nous le prenons subrepticement en photo...


1045 milles de parcourus depuis Canso. On fait environ 5,8 nœuds et on a hâte que le vent tourne de l’est pour pouvoir grignoter quelques degrés vers St-Martin. Nous avons passé le point Milieu, ce point imaginaire dont nous avons rêvé pendant les 6 premiers jours du voyage. Quelle déception quand on regarde ce point symbolique : la mer est toute pareille à celle d'Avant le Point Milieu et à celle d'Après le Point Milieu...

Il est temps de bifurquer vers le sud-sud-ouest, mais le vent s’obstine à nous nuire.

J'inspecte les feuilles météo...


12h30
. Le vent a enfin tourné un peu, et le soleil fait sa job de remplir nos batteries qui sont montées à 12,4V, presque dans le vert pâle! Mon moral remonte avec le voltage. Mon prochain quart est de 15 à 18h puis de nouveau cette nuit de minuit à 03h. J’ai dormi un peu ce matin. Je commence à avoir faim, mais je suis tannée de manger du jambon. Voilà trois jours qu’on essaie de le finir. La température du frigo, qu'on a arrêté pour sauver de l'électricité, monte tranquillement.

16h15 : Selon le GPS, le soleil se couchera ce soir à 18h36. La lune devrait commencer à se montrer cette nuit. Je prépare la liste de ce dont j’aurai besoin pour mon quart de nuit : ma mini-flashlight dans mes chaussettes, une barre granola et quelques carottes en cas de fringale, une bouteille d’eau, les jumelles à proximité, préparer mon petit banc pour prendre la roue confortablement, mon pad et mon crayon pour continuer mes chroniques entre deux corrections à la roue, et un gilet chaud au cas où ça deviendrait frisquet.

Ce soir pour souper : un couscous-ration-d'astronaute, absolument infect, qui goûte le sel. Vivement des fruits et des légumes frais!!!

Position à 18h : 26°27'N 58°56'O

jeudi, septembre 15, 2005

Canard à voile : jour 7

Jour 6? Jour 7?
Difficile à dire puisque je ne peux plus ouvrir mon ordi et toutes mes notes y sont consignées. En tous cas, nous sommes le 19 mai.

02h30, sur mon quart de nuit, à écrire à la main sur du papier, éclairée par une lampe de poche... Hier j’ai remarqué que l’indicateur de charge des batteries n’était pas au maximum. L’alternateur ne semble plus charger. Je dois donc continuer mes chroniques sur du papier, avec un crayon, à la mitaine comme dans l’ancien temps, puisque je veux économiser le courant.

Plus d’ordinateur, de charge de caméra, de télé, de musique sur CD, tous les petits luxes sont bannis. Nous conservons l’énergie pour le pilote automatique, le GPS, le frigo, et surtout le contrôleur électronique de gaz propane pour le poêle… (Alerte au café!!!)

Fin d’après-midi, la série noire continue : le moteur principal rote, s’étouffe et s’arrête. Si nous voulons avoir assez de courant pour pouvoir le redémarrer (il a un démarreur à batteries), il nous faut faire vite. Tout semble en ordre, alors nous changeons le filtre à diésel, au cas. Cette procédure prend un peu de temps, puisque dans le noir, à la lampe de poche, dans cet espace réduit, c’est pas simple. Nous sommes heureusement bien fournis en piles pour les lampes.

Il fait chaud, Paul tient la barre pendant que je m'affaire au filtre avec JM. Tentative de démarrage : rrrrrreuh. Bon, on doit purger les injecteurs. Nous procédons, nous recommençons, puis enfin, victoire, le moteur redémarre.

Nous avons un panneau solaire de 6 ampères. Pas le Pérou mais ça peut dépanner. Quoique la nuit, c’est nul. Raison de plus pour angoisser dans le noir, seule pendant mon quart. On est encore à 796 milles de St-Martin, soit encore 5 ou 6 jours.

Heureusement le moral de l’équipage est toujours bon : Paul parce qu’il en a vu d’autres, JM parce qu’il est innocent. Moi j’ai trop d’imagination, je pense toujours au pire. Mais j'en suis ravie, je me dis que je pourrai enfin raconter des choses palpitantes dans mon récit de voyage et que mes lecteurs seraient bouche bée, envieux et admiratifs devant la misère à laquelle j'ai eu à faire face. Rien que d'y penser, je verse une petite larme émue...

Je ne m’endormais plus ce matin, je suis montée à 02h30 (mon quart est à 03h) et j’ai remplacé Paul qui, lui, commençait à sérieusement cogner des clous.

La nuit est étoilée, il fait doux, mais juste assez frais. Pas un navire en vue. Comme dans les deux derniers jours, d’ailleurs. On fait tout de même 7 nœuds, avec moteur et voile réduite.

Il est presque 03h, le soleil ne se lèvera pas avant 04h30. Après, le reste de mon quart ira tout seul.

03h50 : une lueur pointe à l’est, on commence à deviner le nouveau jour. Je ferai le point à 04h. Je fermerai les feux de position vers 04h30 pour économiser l’énergie.

10h30 : J’ai commencé à cogner des clous sur mon quart de nuit dès que le soleil s’est levé… Je me suis couchée à 06h30, après avoir vérifié l’eau dans la cale. Pas trop d’eau, inutile de pomper. Je me suis relevée à 08h30, ai revérifié ce que je pouvais sur l’alternateur : inutile de rêver, il ne produit plus rien. Je soupçonne le régulateur électronique. Le système est déclaré kaput. Il y a de gros nuages aujourd’hui, pas trop bon pour la performance de la batterie solaire.

J’ai terminé la nuit dernière mon livre à jeter après usage. Je ne sais pas si j’aurai le temps d’en commencer un autre, je sens que le reste du voyage sera occupé…

13h Nous dînons de jambon à l’érable avec le cantaloup qui est enfin mûr. Un de nos derniers fruits avant de mourir du scorbut.

13h30 : Nous décidons de prendre la roue en manuel, fini le pilote automatique, il prend trop d’énergie. Nous commençons donc les mesures d’urgence électrique. Nous utiliserons nos lampes de poche pour tout éclairage dès le coucher du soleil.

Position à 18h : 28° 47'N et 58° 16'O

mercredi, septembre 14, 2005

Canard à voile : jour 6

Jour 6 (18 mai)

01h10. Nous sommes à 223 milles de notre point milieu. Cette nuit je fais le quart de minuit à 03h, le plus dur selon l’avis de tous. Notre horaire de quarts (alternance de 2 heures et de 3 heures) se répète tous les 3 jours.

Nous avons baissé les voiles hier en fin d’après-midi et nous faisons du moteur. Pas trop de vent…

Je tente de temps en temps le téléphone satellite. Peine perdue, il nous dit toujours la même chose : «press clear, code 5009». Qu’est-ce qu’un code 5009??? Moi qui fantasmais sur le fait de pouvoir faire un appel tous les jours, pour donner des nouvelles... Bon, tant pis, nous sommes coupés du monde et le monde est coupé de nous. Libre à eux de nous imaginer dérivant sur un radeau de fortune, assoiffés, affamés, pendant des jours et des jours sous un soleil brûlant, et de se réjouir de notre retour triomphal après deux semaines d'angoisse totale!

Le soleil ne se lève pas vite, le matin...


Nous gérons les déchets comme des vrais Ti-Mé : le biodégradable est lancé par-dessus bord pour nourrir les goélands, nous remplissons d’eau de mer les bouteilles vides pour les faire caler au fond de l’eau, et nous rinçons soigneusement nos déchets non biodégradables à l’eau de mer (pour ne pas gaspiller l’eau douce). Et toutes nos poubelles (nettoyées) sont stockées à l'arrière du voilier, dans le petit zodiac. Arrivés à St-Martin, nous aurons des poubelles qui sentent bon.

Aujourd’hui, nous avons lavé le cockpit à la brosse et à l’eau de mer. JM a amorcé la procédure. Je crois qu’il est un peu compulsif.


Il a continué à frotter bien après que nous ayions perdu tout intérêt pour cette nouvelle activité. Paul a fini par aller s’amuser avec son attirail de pêche,


et moi je me suis installée pour finir un bouquin.




Le Drame de la journée : Paul a perdu ses photos numériques en pressant malencontreusement sur le bouton «delete». Il est frustré. C’est pour ça que nous n’avons pas de photo des dauphins que nous avions vus il y a quelques jours…

Le soleil se couche de plus en plus tôt et se lève de plus en plus tard à mesure qu’on descend dans le sud. Nous perdons 6 minutes par jour environ sur le coucher (dont l’heure est indiquée sur le GPS). La lune est nouvelle, rien à voir de ce côté. Nous avons soupé tard, il faisait déjà noir. C’est moi qui ai préparé le repas : une bouette familiale d’agneau, tomates, ognons, laitue et fromage, pour mettre dans des pains pita. Avec de la mayonnaise.

Paul a trouvé un paquet supplémentaire de pains pita en faisant le ménage du frigidaire. Nous n’en pouvions plus de joie! (Oui, je sais, il suffit de peu pour que nous n’en puissions plus de joie…) Mais il faut dire que nous étions à court de pain. Du beurre de pinottes sur des petits biscuits secs, c’est pas terrible! Surtout s’ils sont aromatisés au basilic.

Position de 20h : 31°18,1’N et 58°18,3’O

Le coucher de soleil est extraordinaire! Et Paul n'en a pas perdu les photos, heureusement!






À partir d’ici, je ferai de la retranscription de notes prises à la main…