vendredi, février 23, 2007

Entrée en territoire occupé! (le 2 octobre 2001)


Nous nous dirigeons vers Stony Point, en amont de New-York, de peine et de misère, à travers vents et marées… Nous passons par le canal du Cap Cod, parce que la tempête fait rage plus au large… Nous nous mettons ensuite à l’ancre à Ambrose, à la station de pilotage au large de l'état de New York, là où tous les navires reçoivent la consigne d’attendre une inspection de la garde côtière américaine. Nouvelles mesures dues aux récents évènements du 11 septembre 2001. Nous attendons, toute la nuit, mais personne ne vient...

Le lendemain, nous obtenons l’autorisation de partir. Nous poursuivons donc notre route vers New-York-la-ville, après qu’un pilote américain soit monté à bord pour nous guider, procédure normale dans les rivières.


Au bout d’une heure de navigation, alors que nous arrivons en vue de la statue de la Liberté, nouvelle consigne. Il faut maintenant passer les ponts de Manhattan sous escorte de remorqueurs. Le 11 septembre se fait encore sentir. L’administration du port de New-York, ne voulant pas être en reste avec la paranoïa générale qui s’est emparée du pays, doit prévoir le cas où notre capitaine serait un de ces kamikazes venus exprès pour sacrifier son navire, son équipage, sa cargaison et sa carrière sur un pilier de pont… Nous devons alors tourner en rond à vitesse réduite pour attendre la disponibilité des remorqueurs. C’est que nous ne sommes pas les seuls kamikazes putatifs… Le trafic dans le port de New-York est considérable. Et les ennemis de la Nation sont partout!

Je profite du délai pour sortir de la salle des machines et admirer le paysage. C'est mon premier passage devant New-York de puis les Événements... Je constate de visu la disparition des deux tours familières.

Ainsi donc, il ne s’agit effectivement pas d’un immense canular à la HG Wells. Dès notre arrivée, je m’empresserai de confirmer la nouvelle par courriel à mes amies qui pourraient être encore sceptiques.

Enfin, les remorqueurs arrivent et, bien entourés par tribord et par bâbord, nous continuons notre chemin… Nous passons le pont de Manhattan sans montrer d’agressivité envers les piliers, ce qui doit certainement rassurer l’administration Bush. Les remorqueurs nous larguent pour aller escorter d’autres capitaines suspects qui attendent leur tour pour passer.

Nous continuons donc notre route tout seuls comme des grands. Après avoir remonté l’Hudson pendant un autre quatre heures, nous finissons par arriver en vue de notre quai, à Stony Point, loin de toute l’agitation de la ville. Juste à temps pour la marée. Dès l’accostage, les agents de l’immigration arrivent à bord et vérifient les visas, les passeports, les papiers, les gens. Comme d’habitude. Sauf que cette fois-ci, il s’avère que les Philippins et les Polonais sont interdits de séjour aux États-Unis d’Amérique (prononcer sur l’air de «God save the Queen», «God bless America», ou bien «God is an American», au choix).

Fort bien. Ce qui ne laisse, tout compte fait, que moi-même (Canadienne) et le capitaine (un Écossais) libres de sortir. À la grande surprise des Agents de l’Immigration de Son Gracieux Président, je suis loin de me rengorger de l’honneur qui m’est fait. Je sais ce qui va se passer... Le chef cook avait prévu de faire des emplettes complémentaires au supermarché pour améliorer l’ordinaire et il a fait une liste d’un kilomètre de long. Puisqu’il ne peut sortir du navire, ce sera le capitaine et moi qui allons hériter de la tâche.

Et c’est ainsi que nous nous sommes retrouvés au supermarché, avec deux paniers d’épicerie pleins, à nous demander à quoi peut bien ressembler le chou chinois inscrit sur la liste par notre cuisinier…

Moi qui déteste aller à terre, et qui déteste magasiner… Pfffft!
Voilà où ça nous mène d'être Canadien!!!