jeudi, septembre 15, 2005

Canard à voile : jour 7

Jour 6? Jour 7?
Difficile à dire puisque je ne peux plus ouvrir mon ordi et toutes mes notes y sont consignées. En tous cas, nous sommes le 19 mai.

02h30, sur mon quart de nuit, à écrire à la main sur du papier, éclairée par une lampe de poche... Hier j’ai remarqué que l’indicateur de charge des batteries n’était pas au maximum. L’alternateur ne semble plus charger. Je dois donc continuer mes chroniques sur du papier, avec un crayon, à la mitaine comme dans l’ancien temps, puisque je veux économiser le courant.

Plus d’ordinateur, de charge de caméra, de télé, de musique sur CD, tous les petits luxes sont bannis. Nous conservons l’énergie pour le pilote automatique, le GPS, le frigo, et surtout le contrôleur électronique de gaz propane pour le poêle… (Alerte au café!!!)

Fin d’après-midi, la série noire continue : le moteur principal rote, s’étouffe et s’arrête. Si nous voulons avoir assez de courant pour pouvoir le redémarrer (il a un démarreur à batteries), il nous faut faire vite. Tout semble en ordre, alors nous changeons le filtre à diésel, au cas. Cette procédure prend un peu de temps, puisque dans le noir, à la lampe de poche, dans cet espace réduit, c’est pas simple. Nous sommes heureusement bien fournis en piles pour les lampes.

Il fait chaud, Paul tient la barre pendant que je m'affaire au filtre avec JM. Tentative de démarrage : rrrrrreuh. Bon, on doit purger les injecteurs. Nous procédons, nous recommençons, puis enfin, victoire, le moteur redémarre.

Nous avons un panneau solaire de 6 ampères. Pas le Pérou mais ça peut dépanner. Quoique la nuit, c’est nul. Raison de plus pour angoisser dans le noir, seule pendant mon quart. On est encore à 796 milles de St-Martin, soit encore 5 ou 6 jours.

Heureusement le moral de l’équipage est toujours bon : Paul parce qu’il en a vu d’autres, JM parce qu’il est innocent. Moi j’ai trop d’imagination, je pense toujours au pire. Mais j'en suis ravie, je me dis que je pourrai enfin raconter des choses palpitantes dans mon récit de voyage et que mes lecteurs seraient bouche bée, envieux et admiratifs devant la misère à laquelle j'ai eu à faire face. Rien que d'y penser, je verse une petite larme émue...

Je ne m’endormais plus ce matin, je suis montée à 02h30 (mon quart est à 03h) et j’ai remplacé Paul qui, lui, commençait à sérieusement cogner des clous.

La nuit est étoilée, il fait doux, mais juste assez frais. Pas un navire en vue. Comme dans les deux derniers jours, d’ailleurs. On fait tout de même 7 nœuds, avec moteur et voile réduite.

Il est presque 03h, le soleil ne se lèvera pas avant 04h30. Après, le reste de mon quart ira tout seul.

03h50 : une lueur pointe à l’est, on commence à deviner le nouveau jour. Je ferai le point à 04h. Je fermerai les feux de position vers 04h30 pour économiser l’énergie.

10h30 : J’ai commencé à cogner des clous sur mon quart de nuit dès que le soleil s’est levé… Je me suis couchée à 06h30, après avoir vérifié l’eau dans la cale. Pas trop d’eau, inutile de pomper. Je me suis relevée à 08h30, ai revérifié ce que je pouvais sur l’alternateur : inutile de rêver, il ne produit plus rien. Je soupçonne le régulateur électronique. Le système est déclaré kaput. Il y a de gros nuages aujourd’hui, pas trop bon pour la performance de la batterie solaire.

J’ai terminé la nuit dernière mon livre à jeter après usage. Je ne sais pas si j’aurai le temps d’en commencer un autre, je sens que le reste du voyage sera occupé…

13h Nous dînons de jambon à l’érable avec le cantaloup qui est enfin mûr. Un de nos derniers fruits avant de mourir du scorbut.

13h30 : Nous décidons de prendre la roue en manuel, fini le pilote automatique, il prend trop d’énergie. Nous commençons donc les mesures d’urgence électrique. Nous utiliserons nos lampes de poche pour tout éclairage dès le coucher du soleil.

Position à 18h : 28° 47'N et 58° 16'O