samedi, septembre 17, 2005

Canard à voile : jour 9

Jour 9 (21 mai)

00h20
: Plus que 515 milles à faire, nous sommes à la latitude 25°!

Les ti-gars ont décidé, tous seuls, dans leur grande mansuétude, de faire chacun une demi-heure de mon quart de nuit pour tenir la roue «parce que je rushe pour barrer de nuit» paraît-il. Tandis qu’eux, ils sont juste «écoeurés». Pourtant, si mes souvenirs sont bons, ce n’est pas moi qui «rushais» à la roue hier dans la nuit! Je trouve ça un peu insultant, et surtout inutile, mais j’ai envie d’accepter, juste pour les emmerder.

Mais finalement Paul, malgré ses bonnes intentions paternalistes de petit frère attentionné, s’endormait vers la fin de son quart et il est déjà au lit. Quant à JM, il n’a pas de montre et il se réveillera quand JE le déciderai. Et je ne vais certainement pas lui confier MA barre pour une demi-heure supplémentaire! GRRRR!

00h45 : Pour la première fois de ma vie, j’ai vu la Voie Lactée!!! Ça me réconcilie avec le reste de l’Univers, et je pardonne un peu (mais pas trop) aux gars leur condescendance.

Dû à une légère myopie et à la conviction profonde que la Voie Lactée est une légende urbaine (ou plutôt galactique), je n’ai jamais pu voir cette traînée dont tout le monde parle… Mais cette fois, ça y est!!!

On dirait que la vue de la Voie Lactée calme mes angoisses irrationnelles de nuit. Je l’ai vue, sans même la chercher! Je vérifiais s’il n’y avait pas un bateau qui croisait notre route par hasard, et j’ai vu ce faisceau dans le ciel. J’ai eu beau chercher un phare, ou bien le haut de l’Édifice Ville-Marie, ou encore la Tour Eiffel pour en trouver la source, j’ai dû constater l’origine Céleste de la Chose!

(Non je n'ai pas mis une photo de la Voie Lactée, mon flash n'était pas assez puissant!)

01h10 : Nous sommes tout à moteur, aucune voile. C’est très facile à barrer. Je ne peux pas dire que je «rushe» ni même que je sois «écoeurée». Il y a parfois un avion qui traverse le ciel. Je les regarde et me dis qu’ils ont bien de la chance d’aller aussi vite. Et en plus je suis certaine qu’ils se plaignent de la longueur du voyage. Je me promets qu’à ma prochaine traversée d’avion, je ne me plaindrai pas.

01h40 : JM vient d’émerger, probablement anxieux de savoir si je «rushe». Je le renvoie au lit, ce qu’il fait sans protester après que j’ai dû le rassurer sur ma capacité de barrer. Pffft. C’est ça, t’es gentil, mais barre-toi! Il a la mémoire courte!

03h15 : Toujours rien à l’horizon et ô miracle, pas d’angoisse nocturne. Je vais me préparer à envisager de penser à réveiller JM pour 03h45, puis au dodo. Mon prochain quart est de 09h à 12h.

09h30: Finalement, être de quart à la roue a du bon. Congé de corvée à moins que je n'insiste. Paul me demande si je préfère faire la vaisselle du déjeuner, au lieu de tenir la roue. Je décline l’offre sans remords. On est encore à moteur, le cap est stable, peu de vent, pas de voiles.


Je planifie soigneusement mon second lavage de cheveux du voyage : je mouillerai mes cheveux en récupérant l’eau douce dans un premier bac, puis je récupère cette eau pour rincer mes cheveux, en la récupérant dans un second bac. L’eau de rinçage servira ensuite à laver quelques bobettes sales. Puis on pourra la récupérer encore pour se brosser les dents. La classe.

10h10 : Latitude 25° 10’, nous avons parcouru 1174 milles depuis Canso, il ne reste que 456 milles avant St-Martin. Paul a calculé un ETA (estimated time of arrival) à St-Martin le 25 mai au petit jour. Nous essaierons d’arriver à la clarté, ce sera plus facile. Surtout si nos batteries sont à plat et que nous n’avons droit qu’à un seul essai avec le guindeau! Ça veut dire que dès qu’on aura lâché l’ancre, si on veut la remonter, ça devra se faire à bras…

Voici Paul, jouant à la figure de proue, les deux pieds sur notre ancre...

Nous ne pouvons pas communiquer avec le proprio avant notre arrivée. Nous avions prévu l'appeler avec le téléphone satellite (qui n'a jamais fonctionné) une journée à l'avance pour qu'il vienne prendre possession du voilier. Il faudra encore l’attendre à St-Martin avant de pouvoir rentrer au pays.

10h25 : Finalement j’aime bien être à la barre. Surtout quand j’entends des bruits de vaisselle en provenance du carré!

18h15 : De retour de quart jusqu’à 21h. 410 milles avant St-Martin. 24° 19’ de latitude. Nous sommes toujours à moteur mais le vent devrait forcir cette nuit, selon le fax météo de la Floride (nous sommes maintenant hors de portée d’Environnement Canada). Ce fax nous a coûté la peau des fesses à recevoir (en terme de voltage). Nous amorçons la nuit avec 11,7V aux batteries. Pourvu que les feux de position tiennent le coup!

Le vent s’est un peu levé, nous montons les voiles.

Paul a fait du déshydraté pour souper, du porc aigre-doux, mais il a un peu raté son coup et ça a plutôt la consistance de la soupe. C’est bon quand même. Mieux que le couscous déshydraté d’hier…

Position du 16h45 : 24°27’N 60°06’O

2 commentaires:

Tagmata a dit...

Ce n'est pas un peu dur à alterner ces phases de veille et de sommeil ? Ou bien on s'habitue ?

coyote des neiges a dit...

Moi je suis habituée, je travaillais déjà de quart sur les navires quand je débutais. Ensuite j'ai passé au travail de jour, mais de garde les nuits, alors je pouvais me faire réveiller pour une urgence à n'importe quelle heure. Il me fallait passer du lit (en sommeil profond) à la salle des machines, 5 ponts plus bas, en état d'alerte, en dedans de 90 secondes!